ECHORDA
Jeudi 20 janvier entre 16h et 20h
Installation sonore de FLORENT NAULIN, POL & GOODBYE IVAN
Imaginé par POL, Goodbye Ivan et Florent Naulin, le projet Echorda consiste en une gamme évolutive d’installations sonores faisant interagir différents types de dispositifs électro-magnétiques ou électro-mécaniques avec le jeu de cordes d’un ou de plusieurs pianos. Echorda I, présenté en 2017 à la Galerie Trace/Ecart, à Bulle, dans le cadre du festival Altitude, faisait résonner un piano à queue avec des e-bows (des archets magnétiques) déclenchés, via des détecteurs de présence, par les mouvements du public. Echorda II, présenté en 2021 au Théâtre du Galpon, à Genève, dans le cadre du festival Cataclysme Piano, compliquait la donne en proposant un piano droit suspendu dans les airs et en ajoutant au dispositif de base une série de marteaux électro-magnétiques frappant les cordes en une multitude de séquences musicales composées par POL et Goodbye Ivan.
C’est maintenant le tour d’Echorda III – «qui matérialise un niveau de complexité bien supérieur», explique POL : 64 marteaux pour actionner un piano quart de queue, un piano droit, des bougeoirs métalliques et un tubophone – un instrument inventé pour l’occasion, constitué d’une série de tubes métalliques de longueurs et de diamètres divers, produisant des hauteurs de notes différentes. Ces dispositifs, conçus et mis en place par Florent Naulin, joueront des séquences là encore composées par Goodbye Ivan et POL.
Echorda III, c’est une prouesse à plusieurs niveaux. A celui de l’ingénierie pure tout d’abord : il a fallu (ce fut la tâche de Florent Naulin) imaginer et concrétiser les canaux permettant aux ordinateurs de communiquer de manière fluide avec les terminaisons mécaniques de l’installation – ce qui nécessita entre autres la construction de circuits imprimés dédiés (et le développement d’un savoir-faire certain pour ne pas se perdre dans la jungle des câblages). Le montage demanda lui aussi une bonne dose de concentration – étant entendu que le son produit par le choc des marteaux change radicalement de nature en fonction de la portion de corde sur laquelle il est posté. On est là dans le domaine du bricolage considéré dans son actualisation la plus noble.
Le mouvement, l’importance donnée aux dynamiques percussives, les hybridations hétéroclites, le recyclage (le piano droit d’Echorda III est une antiquité des années 1930, les bougeoirs métalliques ont été chinés aux puces) : il y a indéniablement quelque chose qui, dans le travail de Goodbye Ivan, Florent Naulin et POL, rappelle celui de Jean Tinguely et le boucan de ses infernales machines pétaradantes. De l’aveu de ses trois concepteurs, si Echorda n’est pas à considérer comme un hommage au sens strict, ni comme le résultat d’une influence consciente et assumée, il y a bel et bien là ce qu’on appelle en biologie un phénomène d’évolution convergente. Mais ce travail-ci s’enfiche dans des prémisses différentes, qui sont celles d’une recherche de l’inattendu dans la musicalité. Echorda est une machine à détournements, un exosquelette complexe et virtuose dont la fonction est de faire résonner des artefacts hors et au-delà de leurs fonctionnalités premières. Soit en subvertissant les usages traditionnels d’un instrumentarium (c’est le cas de tous ces pianos si étrangement préparés). Soit en métamorphosant en instrument de musique quelque chose qui n’a pas été conçu pour l’être : des bougeoirs, des tubes de tôle – avant peut-être, puisque tel est le but idéal des prochaines évolutions d’Echorda, de faire vibrer l’entier des superstructures métalliques de sites industriels désaffectés en les recouvrant d’un biotope tintinnabulant de petits marteaux électro-magnétiques. C’est certainement là que se trouve le mot d’ordre de POL, Goodbye Ivan et Florent Naulin : mettre au jour des potentialités sonores souterraines pour faire toucher du doigt (et de l’oreille, et de l’œil) l’omniprésence des valeurs musicales dans le monde qui nous entoure.
Philippe Simon
Portrait : Isabelle Meister
mardi - samedi : 14h-18h